Immergé chez les marins, caméra au poing

Rencontre
Marc Picavez, 30 ans, vit à Nantes. Son long-métrage Bul déconné (2005) a été primé à Dakar, Montréal et Ouidah. Son court-métrage, Agosto, a obtenu le prix Qualité du CNC en 2010.L’idée lui est venue dans l’estuaire, à Saint-Nazaire, où il participait à une résidence de cinéastes organisée par le Centre de culture populaire (CCP). Marc Picavez enseignait à des salariés – comme les femmes de ménage de la mairie, par exemple – comment filmer leur vie.Un court-métrageLe séjour l’a mis en contact avec l’univers cosmopolite du port. « Au départ, écrit-il sur son site internet, il y a ces silhouettes et des bribes de langues étrangères rencontrées ici et là, dans les centres commerciaux de Saint-Nazaire ou sur la route longeant l’estuaire de la Loire. J’ai ressenti l’envie de rencontrer ces travailleurs en escale pour connaître leur parcours, leur destination. »

Le parcours du Pirita, c’est la rotation Montoir – Brest – Rotterdam. Marc Picavez a passé une semaine « en immersion », fin février début mars, à bord de ce porte-conteneurs de 133 m. L’« accostage » n’a pas été trop compliqué : « Je n’en demandais pas tant. Je suis allé voir les agents maritimes et j’ai été mis en contact avec le capitaine. Il m’a proposé de suite de venir à bord et a bien compris mon projet. J’ai été bien accueilli par lui et les officiers. Avec l’équipage, c’était un peu plus difficile. »

Les marins parlaient en effet plutôt russe et estonien et assez peu anglais. « L’un d’eux, Edgar, qui le parle un peu plus, nous a fait rencontrer les autres, moi et l’opérateur. Notamment Tjoma, un cadet de 22 ans qui débute sa carrière ».

Un documentaire de 52 minutes

Treize hommes au total, à l’existence rude. « Je me suis intéressé à leur vie à bord. Comment ils vivent plusieurs mois loin de chez eux, dans un univers clos. Ils ont peu de temps pour descendre à terre, sauf en cas de grève à Montoir… Ils sont toujours en flux tendu et sont très actifs lors des opérations d’amarrage. Bosser, manger dormir : leur vie se résume à ça pendant quatre mois, en alternance avec deux mois de repos. »

De quoi alimenter un court-métrage d’une vingtaine de minutes, projeté au CCP au plus tard à l’automne, en guise de « rendu de résidence ». Et qui va également servir à l’écriture de l’autre projet documentaire et maritime de Marc Picavez. « Un 52 minutes pour aborder la vie de la marine marchande à partir du temps d’escales, en suivant l’activité d’un Seamen’s club, sur un temps suffisamment long pour avoir des histoires de vie, des personnages qui portent un fil en terme de dramaturgie. »

Et un blog

Dans quel port ? Rien de fixé pour l’instant. Le Seamen’s club de Donges a brûlé. Le cinéaste en a visité d’autres, comme celui de La Rochelle. Il se rend aussi une semaine par mois à Paris, à la Femis, la grande école nationale supérieure du cinéma, qui l’a sélectionné pour son « Atelier documentaire ». Il travaille aussi sur un troisième projet : « A terre, les marins vont souvent sur internet. L’idée est de faire un blog pour partager avec eux le travail que je peux faire sur ce milieu. »

Une nouvelle balise dans son itinéraire ? « J’ai surtout fait de la fiction. Mais je me suis souvent intéressé aux populations étrangères et aux minorités. Ça reste dans la continuité. »

Jean DELAVAUD

http://marc.picavez.free.fr/